jeudi 17 juin 2010

Je voudrais que tu puisses...

Je voudrais que tu puisses voir la tristesse d'un homme d'affaire quand sa vie s'envole en fumée ou celle de cette famille qui revient chez eux, pour trouver leur maison et leurs biens endommagés ou détruits. Je voudrais que tu puisses savoir ce que c'est de fouiller une chambre enflammée à la recherche d’enfants emprisonnés, les flammes roulant au-dessus de ta tête, tes paumes et tes genoux brûlants alors que tu rampe, le plancher cédant sous ton poids parce que la cuisine sous toi est en flamme. Je voudrais que tu puisses comprendre l'horreur que vie une femme à 3 heures du matin quand je ne trouve pas le pouls de son époux de quarante ans. Je commence le RCR, espérant le ramener mais sachant intuitivement qu'il est trop tard mais voulant que sa femme et ses proches sachent que même l’impossible à été tenté. Je voudrais que tu puisses connaître l’unique odeur de l’isolation qui brûle, le goût du mucus remplit de suie, la sensation de la chaleur intense à travers de ton habit de combat, le son rugissant du feu, et l’inquiétude causée par la perte de visibilité dans la fumée dense… des sensations qui me sont trop familières.Je voudrais que tu puisses comprendre la sensation de retourné à l'école le matin, après avoir passé la nuit à avoir chaud et trempé jusqu’aux os, à cause d'une alarme générale. J'aimerais que tu puisses lire mes pensées quand je réponds à un appel de feu : " Est-ce une fausse alarme ou un feu en progression? Comment est construit l'édifice? Quels dangers m'attendent? Y-a-t-il quelqu'un de pris à l'intérieur? " Ou à un appel médical : " Qu'est-ce qui ne va pas avec le patient? Est-ce mineur ou est-il en danger de mort? Est-ce que le requérant est vraiment en détresse ou nous attends-t-il avec un 2X4 ou un fusil? " Je voudrais que tu puisses être dans la salle d'urgence quand le médecin déclare morte l'adorable petite fille de cinq ans que j'essayais de sauver depuis les dernières 25 minutes, qui n'ira jamais à son premier rendez-vous avec un petit ami ou qui ne dira plus jamais les mots "Maman je t'aime!" J'aimerais que tu puisses connaître la frustration que je ressens dans la cabine du camion, le conducteur pressant le pied sur la pédale, mon bras tirant encore et encore la chaîne des trompettes quand tu ne nous cède pas le passage à une intersection ou dans la circulation dense. Quand tu as besoin de nous, ton premier commentaire est souvent: "Ça vous a pris du temps!" Je voudrais que tu puisses lire mes pensées quand j'aide à sortir une adolescente des restes de sa voiture. " Et si c'était ma soeur, ma blonde ou une amie? Quelle sera la réaction de ses parents quand ils verront un policier à leur porte, chapeau à la main? " Je voudrais que tu puisses savoir ce que c'est de rentrer à la maison, de saluer mes parents et ma famille sans avoir le courage de leur dire que j'ai failli ne pas revenir de cet appel. Je voudrais que tu puisses sentir ma tristesse quand les gens abusent de nous verbalement et même parfois physiquement, minimisent notre travail ou encore quand ils disent "ça ne m'arrivera jamais". Je voudrais que tu puisses réaliser l'épuisement physique, mental et émotionnel causé par les repas sautés, le manque de sommeil, les activités sociales manquées, en plus de toutes les tragédies que j'ai vues et vécues. Je voudrais que tu puisses ressentir la fraternité et la satisfaction personnelle d'aider à sauver une vie ou préserver la propriété de quelqu'un, d'être là en temps de crise et de mettre de l'ordre dans le chaos total. Je voudrais que tu puisses savoir ce que c'est d'avoir un petit garçon qui tire ta manche et te demande " Est-ce que ma maman va être correcte? ". De ne pas être capable de le regarder dans les yeux sans avoir les tiens remplis de larmes et ne pas savoir quoi répondre. Ou d'avoir à retenir quelqu’un qui voit son meilleur ami recevoir la respiration artificielle alors qu'on l'embarque dans l'ambulance. Toi, tu sais depuis le début qu'il n'avait pas sa ceinture de sécurité… encore une autre sensation qui m'est devenue trop familière. À moins que tu aies vécu ce genre de vie, tu ne comprendras pas ou n'apprécieras pas qui je suis, ce que nous sommes ou ce que notre travail signifie pour nous. Je voudrais que tu puisses!

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